Nul ne pouvait se marier sans en faire la demande, sans passer au préalable par l’assemblée du Ring. Il se rendit donc dans le bâtiment affecté à cet usage.
Juste derrière la porte d’entrée, un escalier grimpait vers une estrade fermée par trois rangs de cordes. Il dut se placer au milieu. Un projecteur l’aveuglait, si bien qu’il eut du mal à distinguer l’assemblée, assise en bas, les yeux rivés sur lui.
Une voix sentencieuse, échappée d’un porte-voix, commença à parler bruyamment:
- Jon.W, par-devant le Ring, vous êtes présent car vous avez solennellement fait le vœu de vous unir selon les préceptes caducs de la communauté de vie. Avant de consentir à cette union, et après simulation de la validité et de la pérennité d’un tel engagement, vous devrez répondre à un certain nombre de questions. Tout d’abord savez-vous ce qu’est le mariage ?
- Oui ! répondit Jon.W qui avait potassé plusieurs dictionnaires pour en connaître la définition. Mariage: union légitime d’un homme et d’une femme. Voir alliance, hymen, couple, noce....
- D’accord ! Mais savez-vous ce que cela implique ?
Il y eut un moment de silence.
- Soyons direct ! Savez-vous que le mariage peut être source de pugilat ?
Jon.W distingua vaguement une silhouette qui s’agitait.
- Avez-vous mesuré la portée d’un tel acte ?
La silhouette s’arrêta.
- Je ne pense pas. Alors, avant de vous engager, il faut que vous soyez conscient de certaines lois fondamentales édictées par l’assemblée du Ring. En premier lieu, le couple est libre de s’unir et se désunir avec ou sans lien juridique selon son choix. Vous n’avez donc ni l’obligation de vous marier, ni l’obligation de résider sous le même toit. Vous pouvez vous marier et élire domicile individuellement, ce qui élude bon nombre de problèmes. Cependant, si votre choix est orienté vers la vie commune, celle-ci devra être considérée comme provisoire, et pouvant donc cesser à n’importe quel moment. Si l’essentiel de la vie commune est vécu conjointement, le couple aura néanmoins droit à des instants individuels. Par ailleurs, dans une société qui assure un minimum vital à tout individu vivant seul, il est inconcevable de pénaliser un des membres du couple au motif que le compagnon ou la compagne dispose de revenus suffisants. Or il n’appartient pas à la collectivité de contribuer à cette compensation, mais au conjoint ou à la conjointe responsable de cette privation de ressources. Ainsi cette compensation pour privation de droits, due à un choix de vie commune, oblige le conjoint salarié à verser une proportion de ses revenus au conjoint démuni, revenus dont il ou elle pourra disposer librement. Enfin, il ne saurait y avoir d’union, à fortiori pour vivre sous le même toit, sans rédiger au préalable une convention de partage définissant les modalités de répartition des biens, ou les modalités de garde des enfants, en cas de rupture.
Soudain, autour de lui, une multitude d’écrans s’allumèrent, montrant à une cadence accélérée, des couples enlacés, des couples unis, des visages heureux, du soleil, des couples désunis le dos tourné, des enfants tiraillés, écartelés, des visages hargneux, des coups de tonnerre, des bâtisses qui s’effondraient, comme aux pires moments du Cheval de Troie. Les images venaient l’agresser sur le Ring et, chaque fois, il reculait d’un pas, se tordait, pour esquiver les coups.