DEFORMATION SCOLAIRE

      Cet article pas pour (seul) objectif de dévaloriser un diplôme d'Etat mais d'en apporter des améliorations afin qu'à l'avenir il n'y ait pas deux types de développeurs: ceux qui sortent des grandes écoles et ceux qui n'ont pas eu les moyens d'y entrer.

DEVELOPPEURS : CONSEIL AUX RECALES

     Vous cherchez un poste de développeur. Que vous ayez le diplôme en poche ou non, sachez que les entreprises internet vous embaucheront avant tout pour vos compétences personnelles et non sur vos connaissances scolaires. Le décalage entre la formation et les besoins des entreprises est tel que les diplômes seuls ont bien peu de valeur. Vous avez créé ou vous gérez un site internet, vous avez développé des applications dans le cadre du jeu ou de l'e-commerce, vous êtes un passionné du web au point d'en connaître les ficelles cachées, les portes vous sont grandes ouvertes. C'est ce qu'il ressort de notre enquête auprès des sites avec lesquels nous sommes en relation depuis des années.

     Actuellement, la Toile manque cruellement de personnel correctement formé, et notamment de développeurs d'application. Pourtant de nombreux développeurs d'application sont formés par l'Education Nationale, par le biais du diplôme de BTS SIO. Pour en comprendre la raison, il faudrait s'interroger sur ce qu'une entreprise de l'internet attend d'un développeur. Schématiquement, de savoir se démerder avec un site pour en améliorer les performances, qu'il s'agisse d'interactivité ou de visibilité. En gros, un gamin de 12 ans qui aura eu suffisamment de curiosité, de créativité et de passion pour internet, qui se sera fait les dents en créant un site de jeu ou annexe d'un jeu connu (ne rêvons pas... c'est 9 fois sur 10 de cette manière que les futurs développeurs sont attirés par cette profession), avec quelques pages bien tournées, un petit graphisme bidouillé, un bon forum, quelques suppléments de programmation perso incrustés ici ou là à partir de langages potassés pendant quelques nuits sur internet... est un développeur (et un bon !) en devenir.

DEVELOPPEURS : ON EN RECHERCHE

     Le développeur exerce une fonction essentielle au sein des entreprises de l'internet et l'offre reste plus importante que la demande. Mais la formation des développeurs est loin d'être au top d'où l'idée de trois grands patrons de l'internet de créer l'EEMI, une école qui forme notamment au métier de développeur. Seule ombre au tableau cet enseignement est très coûteux. L'enseignement public et gratuit existe, par le biais du BTS SIO, un des premiers diplôme qui forme au métier de développeur. Mais les entreprises de l'internet qui reçoivent les stagiaires s'étonnent des disparités entre la formation et les attentes des entreprises, plus particulièrement lorsqu'un stagiaire a fait preuve d'excellentes capacités.... et n'a pas été admis à l'examen. Le BTS est un diplôme professionnel, mais étrangement il n'est pas tenu compte de l'avis des professionnels qui accueillent les stagiaires.

BTS SIO LA VOIE SANS ISSUE

   Le BTS SIO option  développeur d'applications, consiste en un bourrage de crâne de matières secondaires exhaustivement détaillées, débouchant sur un examen devant des profs de culture plus scolaire que de culture d'entreprise (Pour s'en convaincre, un petit tour du côté des forums du site Web-ig est révélateur)

     A l'issue de 2 années d'enseignement et de trente kilos de manuels ingurgités, l'élève doit obtenir une moyenne générale de 10 à l'examen. Côté contenu, la formation est pléthorique.

     L'apprentissage de la comptabilité est déjà équivalente à celle que doit connaître le bon comptable de base qui peut se débrouiller avec une comptabilité d'entreprise : un morceau bien lourd de la formation. A cela s'ajoute une bonne connaissance de l'économie (façon 30 ans de journaux télévisés quotidiens pour être au top), une bonne culture littéraire générale pour assumer le coefficient de l'épreuve de Français, un niveau mathématiques plutôt proche des sections scientifiques et un niveau d'anglais technique où il est préférable d'être natif d'un pays anglo-saxon. Quant aux épreuves orales la préparation d'une "soutenance" à présenter devant un jury plus préoccupé par le chrono que par le contenu, n'a rien à envier, en matière d'exigence, à la thèse doctorale (si on tient compte du niveau initial des élèves à qui on demande cette soutenance). Idem de la Pratique des Techniques Informatiques (PTI) qui consiste en une présentation pratique d'une activité préparée à l'avance par l'étudiant, en rapport avec sa formation, où l'examinateur pioche entre 5 activités et chrono en main (rebelote!) veille à ce que la présentation ne déborde pas du temps imparti, tout comme le document présenté qui ne doit pas déborder des 4 pages imposées. Notons que l'examinateur pourra, à l'oral, agacer le candidat avec une question qui, selon son humeur, sera vacharde ou pas (un sujet que l'étudiant connaît bien, ou un sujet qui se sera perdu dans les 30 kilos de formation scolaire).

     Cet examen, en dehors des clous, élimine les petits génies dont rêve toute entreprise internet, et consacre les bons petits soldats dépourvus d'initiative et de créativité... mais bien scolaires. Une entreprise n'attend pas d'un développeur qu'il soit à la fois érudit, expert-comptable, expert en droit, expert en économie et Einstein en maths. Elle attend avant tout un bon technicien sur le terrain. On comprendra dès lors que, outre le diplôme, les entreprises exigeront 4/5 années d'expérience avant d'embaucher ce type de diplômé. A moins d'en faire des assistants développeurs.

     On notera au passage que, malgré la ligne prévue dans le référentiel, le professionnel qui devrait être présent lors des épreuves orales pratiques est rarement là. On notera aussi que les candidats libres, non formés par l'établissement où ont lieu les épreuves, seront particulièrement sabrés.

BTS SIO : LES CANDIDATS LIBRES MASSACRES

     Les candidats libres souffrent d'inégalités devant les épreuves, notamment au niveau des oraux techniques (plus fort coefficient). Outre qu'ils doivent se contenter d'un manque d'information sur le matériel à leur disposition lors de l'examen -sérieux handicap quand on sait que tout le travail repose sur une démonstration pratique de ce qui a été conçu- et d'un référentiel peu explicite pour préparer leurs épreuves, il semblerait de surcroît qu'ils fassent les frais d'une politique meurtrière consistant à distinguer les bons lycées des mauvais. Explication : qu'est qu'un bon lycée? Un lycée qui peut se prévaloir d'un maximum de diplômés. Mais pour qu'un diplôme ait une valeur il faut qu'il y ait des succès et surtout des échecs. On peut concevoir alors l'absurdité d'une situation qui place le professeur, devenu juré d'examen, devant le choix cornélien de mal noter ses propres élèves (au risque de désavouer ses propres méthodes pédagogiques tout en propulsant son établissement au rang de mauvais lycée) ou de sabrer un candidat libre dont l'échec n'entrera dans aucune statistique désobligeante.

     Certaines académies ont d'ores et déjà pris des mesures pour réduire ces disparités et une majorité de professeurs-jury s'appliquent à être objectifs. Mais il semblerait qu'un long chemin reste à parcourir pour que tous les candidats soient égaux devant cet examen.

UNE ECOLE DEDIEE AUX METIERS DE L'INTERNET

     Le Web a émergé en France dans les années 1990 avec les premiers balbutiements de sites web. Si les pionniers de ces sites se sont formés sur le tas, depuis quelques années des métiers de l'internet apparaissent. Et forcément les diplômes afférents.

     Ces pionniers de l'internet ont aussi été les premiers à s'apercevoir de l'inadéquation entre les études formant aux diplômes et les besoins réels des entreprises. Ainsi est venue l'idée à Jacques-Antoine GRANJON (fondateur de vente-privee.com), Marc SIMONCINI (fondateur de Meetic.fr), Xavier Niel (fondateur de free.fr) de créer une école spécialement dédiée aux métiers de l'internet l'Ecole Européenne des Métiers de I'Informatique (EEMI). Cette école, située dans les locaux du Palais Brongniart forme des Webmasters, des développeurs, des architectes d'information, des programmeurs et développeurs multimédia, des intégrateurs, des experts en sécurité informatique, des référenceurs etc....

     L’EEMI garantit "une formation en totale adéquation avec les attentes des entreprises du secteur, notamment grâce à des stages opérationnels et une préparation sur-mesure au monde du travail" et garantit surtout un emploi à l'issue des études. Et pour cause, dans la mesure où la majeure partie de la formation se déroule sous forme de stages en entreprise, les étudiants seront qualifiés pour être immédiatement opérationnels et performants. Et nos braves pionniers comptent probablement sur leurs propres réseaux internet pour caser les étudiants formés à l'EEMI.

     Mais cette formation à un prix. Les frais de scolarité sont très élevés. Le financement peut se faire par des prêts d'études à taux réduits négociés par des accords avec les banques et facilités par l'embauche assurée en fin de formation. A ces frais devront s'ajouter les frais de transport et d'hébergement des étudiants venus de province... ou d'ailleurs. Autrement dit, les candidats formés à l'EEMI commenceront leur carrière professionnelle avec une belle ardoise sur le dos.

    En attendant que l'Education Nationale revisite le contenu de sa formation BTS et que l'EEMI revoit les conditions d'accès à sa formation, le seul conseil à donner aux futurs étudiants attirés par le métier de développeur est de ne pas mettre en avant, dans leur CV, le diplôme qu'ils ont obtenu (ou non), mais leurs compétences personnelles. Si vous vous reconnaissez dans le gamin de 12 ans qui aura eu suffisamment de curiosité, de créativité et de passion pour internet... alors vous avez toutes les chances d'être accueilli à bras ouverts dans les meilleures entreprises.