Peut-on écrire à perte ?
Oui. On le prouve.


    Les écrivains n’échappent pas aux charges qui écrasent les entrepreneurs et les indépendants. Face aux interrogations de nombreux auteurs concernant leurs bénéfices réels lors de la publication d’un livre, en 2023 nous avions fait une projection sur une vente de livres ayant rapporté 1000 €. Cette somme peut paraître ridicule mais elle est celle que perçoit une majorité d’auteurs publiés via des plateformes, ce qui d’ailleurs représente déjà un exploit en l’absence de promotion et de diffusion en librairie. Il faut savoir que sur un livre vendu à 10 €, l’auteur ne touche que 1 à 3 € et qu’il doit vendre par loin de 100 livres pour arriver à cette somme.

    Nous avions déduit les dépenses incontournables que nous avons limitées à l’achat d’un ISBN à 30 €, faisant abstraction des frais informatiques en tous genres (ordinateur, applications de travail + applications de gestion, connexion...etc) ainsi que les frais annexes, et nous avons estimé qu’il restait 847 € après déduction des cotisations de 123 €. Ce qui est caricatural.

    Et nous avons déduit les dépenses facultatives qui nous semblaient également indispensables. Il a fallu de longues années avant que le législateur se rende compte qu’une personne bénéficiaire du RSA avait une couverture maladie, contrairement à l’auteur qui devait justifier d’un certain montant de recettes avant de pouvoir en bénéficier. Mais celle-ci ne couvre que les frais de soins (médecins, médicaments), excluant les indemnités maladie-maternité, l’invalidité, le décès pour lesquels l’auteur doit « surcotiser ». Cette surcotisation s’élève à 492 €. Ainsi sur ses 1000 € perçus, il ne restait à l’auteur que 478 €.

    Nous avons également fait cotiser notre auteur pour les accidents du travail et la maladie professionnelle d’un montant de 384 €. Au bout du compte il lui restait 94 €.
Devant ce maigre résultat pour des tonnes de formalités, nous nous sommes interrogés sur la pertinence d’une inscription à l’URSSAF.

    Nous avons pris un malin plaisir à lui « offrir » une mutuelle complémentaire à 840 € par an ce qui a fini par l’endetter de 746 €. Et là effectivement, il nous est apparu que l’auteur ne devait plus chercher à vendre ses œuvres, mais qu’il devait les diffuser gratuitement. Bien sûr ; tout ceci est tiré par les cheveux mais démontre bien le peu d’intérêt d’entreprendre quand il est possible de bénéficier de ressources plus généreuses sans aucune contrepartie.

    Pour percevoir un minimum de subsides de sa plume, selon notre simulation il est nécessaire d’avoisiner les 22000€ de revenus annuels, ce qui peut laisser espérer près de 1000 € de revenus mensuels déduction faite des prélèvements mentionnés ci-dessus. On peut comprendre que les auteurs sont de plus en plus nombreux à s’épargner des tracas administratifs en jetant l’éponge, privant de cotisations les caisses qui les matraquent.

    Le Portail du Livre qui n’a eu de cesse de défendre les droits des écrivains depuis près de 30 ans, a plusieurs fois pointé cette absurdité. Afin d’y remédier, le rapport indépendant, actuellement en préparation, fournira certaines pistes aux locataires du Ministère de la Culture... qui seraient être intéressés !!!


A.J.Elorn (04/01/25)