Auteurs, écrivez on vous répondra... jamais
Petit tour du côté des nouveaux éditeurs


     On aurait pu penser qu'internet simplifierait l'examen des manuscrits et les relations auteurs-éditeurs. En effet, il suffit de quelques minutes, allez une petite heure, pour que la lecture en diagonale d'un ouvrage envoyé par mail permette à un éditeur de repérer ses qualités ou ses défauts littéraires. Et il lui suffit de quelques secondes pour indiquer à l'auteur si le manuscrit sera mis en lecture, s'il lui convient ou non quel qu'en soit le motif. Il n'en est rien.
     Ne parlons pas des éditeurs traditionnels qui ont pignon sur rue depuis des lustres et dont on veut bien croire qu'ils soient écrasés de demandes. Mais plutôt de ces nouveaux éditeurs qui, au lieu de cette gestion souple et rapide, prennent un malin plaisir à exiger des auteurs toujours davantage.
     Leur prolifération pousse le Portail du Livre à s'interroger : qui sont ces éditeurs de l'économie numérique qui « croulent sous les manuscrits » ?
En premier lieu, d'ex-auteurs auto-édités.

     Dès lors qu'un auteur s'est familiarisé avec les arcanes de la Toile, qu'il sait composer un PDF imprimable, qu'il sait gérer des ventes et une comptabilité, le statut d'éditeur à part entière devient pour lui alléchant à divers titres :
. Il peut s'attirer des lecteurs par le biais des auteurs qui lui confient leurs manuscrits, des auteurs vivement incités à connaître le contenu des livres publiés.
. Il peut être grassement arrosé de subsides du Ministère de la Culture, en tant qu'éditeur.
. Sans compter qu'il est toujours utile de savoir ce que d'autres écrivent et comment ils l'écrivent.
     Il suffira à l'éditeur en question d'enrichir son catalogue personnel de quelques livres glanés auprès d'illustres inconnus, sans prendre trop de risques grâce à l'impression à la demande. Et sans trop d'efforts puisque, de plus en plus souvent, il est requis des auteurs un manuscrit présenté dans une forme définitive, c'est-à-dire prêt à impression.

Aucune réponse avant 3 mois ou plus... voire jamais !

    Pour donner un peu de poids à la structure éditoriale, on informe l'auteur qu'il recevra « une réponse sous un délai de 3 mois minimum et s'il n'en reçoit aucune cela signifie que son manuscrit est refusé ». L'éditeur se targue en outre de quelques exigences, comme un délai d'ouverture de la chasse (aux manuscrits) au-delà duquel les œuvres ne sont plus examinées. Bien sûr, le contrat signé est un contrat « à compte d'éditeur » moyennant 10 % de droits, voire davantage, ça ne mange pas de pain vu que le livre ne bénéficiera d'aucune distribution en librairie et que la publicité sera absente. Si l'auteur parvient à écouler 10, ou 20 exemplaires auprès de ses proches, voire 50 avec un peu de promotion personnel, il pourra en tirer une centaine d'euros... et une foultitudes de problèmes administratifs.

En second lieu, des éditeurs aux auteurs-bidons.

     Parmi les nouveaux éditeurs mentionnés précédemment, certains ont flairé le bon filon de l'intelligence artificielle en affichant un catalogue exponentiel de publications dont les auteurs n'ont aucune existence officielle. Ils participent ainsi à une profusion de livres, la plupart du temps des copies, qui inondent les catalogues des libraires ou des bibliothèques. On peut craindre de ces officines qu'elles ne soient que des « vitrines de recyclage » comme il en existe dans d'autres domaines.

En dernier lieu, les « intermédiaires »

     Ceux vers lesquels des éditeurs se tournent pour ne pas avoir à gérer la réception des manuscrits. L'éditeur se déchargent du relationnel puisqu'il est censé parcourir les manuscrits exposés sur site en ne s'engageant sur rien. Les auteurs, noyés dans la masse, prennent le risque du plagiat, contre lequel le Portail du Livre n'a eu de cesse de mettre en garde. Sans compter que leurs coordonnées personnelles constituent un vivier important pour promouvoir des rares élus qui auront le bonheur d'être édités. Vivier susceptible d'être revendu.

Mieux vaut être éditeur qu'auteur

     C'est la conclusion qui pourrait s'imposer, sachant que l'auteur est désormais souvent le dindon d'une triste farce, celle qui enrichit des éditeurs peu scrupuleux à la fois sur le dos des écrivains et  celui du ministère de la culture.
     Il est loin le temps où les « petits éditeurs » s'honoraient d'être des « découvreurs de talents ». Il est loin le temps où les auteurs recevaient un courrier accusant bonne réception de leur ouvrage, puis râlaient sur un second courrier stéréotypée leur annonçant que leur manuscrit n'entrait pas dans « le cadre des collections ». Au moins, ils recevaient une réponse.
     Pour avoir une idée des pratiques éditoriales en matière de réception des manuscrits et des suites données, nous conseillons vivement de visiter le forum des jeunes écrivains, riche d'expériences.
     Il n'est pas exclu qu'à la demande des auteurs, lors d'un prochain article le Portail du Livre dresse un petit bilan des nouveaux éditeurs dont la démarche tient, n'ayons pas peur des mots, de la fumisterie.
     Enfin, un conseil toujours d'actualité : vis-à-vis d'un éditeur qui refuse un manuscrit, l'élégance exige d'en accepter l'augure dignement et surtout poliment.

A.J.Elorn. 26/08/2024