Du roman engagé au roman dégagé
C’est fait. Aux États-Unis la censure est revenue au galop et n’a rien à envier aux heures tristement glorieuses du maccarthysme. On censure, on réécrit, on réadapte. Pour que les œuvres soient compatibles avec le reformatage des cerveaux qui exige une pensée unique, une pensée officielle, il en va ainsi jusqu’aux contes pour enfants dont on supprime les phrases qui heurte la bien-pensance.
En place des relecteurs, les éditeurs investissent dans des « nettoyeurs » chargé de supprimer certains passages contenus dans les romans, afin qu’ils soient servis « propres » aux lecteurs, c’est-à-dire dépourvus de ce qui fait leur piment et pourrait être sujet à scandale. Étonnant d’ailleurs, car le scandale fait le « buzz » et le « buzz » assure la publicité.
La censure, couplée à l’émergence de la culture AI, celle de l’intelligence artificielle, celle sans âme construite par des algorithmes, laisse augurer le pire en matière de littérature. Elle trace les contours d’une société future où se côtoieront deux mondes bien différents. D’un côté celui des privilégiés, une caste élitiste dont les enfants sauront lire, écrire, compter et accèderont à la connaissance réelle via les œuvres d’origine, une caste armée pour dominer. De l’autre, celui des incultes une caste inférieure dont les enfants n’auront plus besoin de savoir lire ni écrire tributaires de l’intelligence artificielle, à qui l’on diffusera (oralement sans doute) des écrits mensongers ou dénaturés, une caste maintenue sous influence pour être dominée.
Plus que jamais, à ceux qui refusent cette fatalité il conviendra de conserver précieusement les œuvres d’origine et de transmettre cette culture aux nouvelles générations, afin qu’elles sachent à quoi ressemblait la littérature avant que la bêtise ne s’en empare.
Espérons que cette littérature décadente, à l’image des cerveaux qui la véhiculent, s’arrêtera aux frontières de l’Europe et surtout à celles de la France, patrie des belles lettres... pour combien de temps ???