En route vers l'authentisme


   Le Portail du Livre s'inscrit résolument dans la veine de l'authentisme, plus que jamais d'actualité face aux errements de l'intelligence artificielle. Si l'I.A. séduit dès lors qu'un robot-aspirateur ou un exosquelette allège les tâches ordinaires, il en est tout autrement lorsque l'I.A.. s'attaque aux « œuvres de l'esprit » en prétendant que les écrivains, les scénaristes, les cinéastes, les artistes, les chanteurs, les créatifs en tous genres, tout comme les journalistes et autres intellectuels n'auront bientôt plus lieu de perdurer.

La fronde des romanciers américains.

     Aux États-Unis, pays qui a toujours connu une grande longueur d'avance sur le vieux continent, la fronde des écrivains entraîne d'ores et déjà les premiers procès, via l'Authors Guild, contre les ouvrages conçus par le biais de l'I.A. Les écrivains font valoir qu'il ne s'agit que d'une copie de leurs œuvres, impunément travesties et portant atteinte au droit d'auteur. Effectivement, dans le domaine de l'écriture, l'I.A. glane des idées ou des morceaux de phrases collectés sur la Toile, analyse des styles d'écriture fauchés à des auteurs à succès, classiques ou contemporains, et paramètre des algorithmes laissant entendre que n'importe quel cancre, inculte ou analphabète, peut devenir un génie de la plume. Les promoteurs de l'intelligence artificielle se joueraient de l’ambiguïté de la « copie textuelle » qui les affranchirait de verser des droits d'auteur aux écrivains plagiés. Regroupés en class-action les auteurs à succès n'en démordent pas et quitte à souffrir de plagiat, réclame leur part du gâteau.

Les libraires inondés par des tonnes de livres artificiels

     S'il faut un an, deux ans ou plus, à un écrivain de la réalité pour ciseler une œuvre, une petite journée suffit à pondre un ouvrage artificiel plagié par l'I.A. On imagine les librairies et les bibliothèques inondées par cette prolifération de mixtures orphelines nées d'un cerveau inconnu et dont le lecteur sera le premier à faire les frais... à moins de se détourner définitivement de la lecture.
Nonobstant qu'ils portent atteinte aux droits d'auteur, ces ouvrages générés par l'I.A. tueront à terme la créativité. En effet, quel être humain aura encore le courage de s'évertuer à innover sachant que ses idées seront pillées illico.
Censure, absence de contradiction, qui pilote la machine I.A. ?

     L'Intelligence Artificielle n'est qu'une machine, une machine qui recrache ce qu'elle avale et on peut parier que les 10 milliards de livres qu'elle est susceptible de produire en quelques minutes finiront par tourner en rond autant dans leur contenu que dans leur contenant. Par ailleurs, on peut s'interroger sur l'objectivité de cette machine, pilotée par des humains en charge de paramétrer les algorithmes. Oui, mais selon quels critères ? Selon « le goût des lecteurs ». Un goût formaté à partir de ceux qui s'expriment bruyamment sur la Toile... et sans tenir compte de ceux qui ne s'y expriment jamais. Un « goût des lecteurs » passé à la moulinette de la censure, où la contradiction serait absente. On constate déjà les travers de l'envahissement d'une littérature formatée, où des éditeurs frileux ne jurent que par les réseaux sociaux et leurs cohortes d'influenceurs faisant miroiter à des béotiens que tout un chacun peut accéder au couronnement suprême par une publication tout aussi éphémère que l'auteur soudainement glorifié.

Que propose l'Europe pour contrer l'I.A

    Les directives européennes (European AI Act) imposeront à l’utilisateur de l’Intelligence Artificielle de le mentionner sur ses productions par une information « appropriée, claire, visible ». Mais les mêmes directives ne prévoient pas pour autant de dédommager l'auteur copié.

Et en France quoi de neuf ?
     La France s'appuie sur le Code de la Propriété Intellectuelle pour encadrer le droit d'auteur... et prévoit la création d'une taxe sur les ouvrages produits au moyen de l'I.A., collectée par les sociétés d'auteurs et destinée à servir une rémunération aux auteurs édités à compte d'éditeur.  Notons toutefois quelques avancées par la modification de certains articles de loi  précisant que les titulaires des droits sur une œuvre artificielle sont ceux qui ont permis  de la concevoir et que l'autorisation des auteurs devra être requise pour intégrer des œuvres protégées dans un logiciel d'I.A.              Enfin, rejoignant des directives européennes, la proposition de loi suggère d'apposer la mention « œuvre générée par IA » sur les productions nées de l'I.A et d'indiquer le nom des auteurs qui ont permis d’aboutir à l'œuvre artificielle.  On voit mal les utilisateurs de l'I.A., délibérément se déclarer auteurs artificiels en apposant une telle mention sur leurs ouvrages, conscients par ailleurs des difficultés à prouver qu'ils sont plagiaires.

L'initiative du Portail du Livre

     Investi dans la défense du droit d'auteur depuis sa création en 1997, le Portail du Livre se devait de prendre position pour protéger et garantir l'authenticité d'une œuvre réelle, en créant un symbole de qualité, celui de l'authentisme. Tous les auteurs qui n'utilisent pas l'I.A, et uniquement eux, sont invités à le mentionner sur leurs œuvres. Pourquoi ce choix ? Plutôt que d'apposer la mention « œuvre générée par IA » qui risque de ne jamais figurer sur les productions plagiées, le Portail du Livre propose à l’inverse d'insérer un symbole protégé authentifiant l’œuvre. Il paraît plus judicieux d'engager le copieur dans une démarche active plutôt que passive (Ah les oublis!!!). Ainsi, s'il est avéré qu'un écrivain reconnaît tout ou partie de sa création dans un ouvrage conçu par I.A et où figure le symbole de l'authentisme, le contrevenant s'expose aux conséquences qui découlent d'une atteinte à la propriété intellectuelle concernant l'utilisation non consentie d'une création.
     Ainsi, le symbole de l'authentisme protège une œuvre réelle. Il est libre de droit, non modifiable, et exclusivement réservé aux créatifs n'utilisant pas l'I.A.

A.J.Elorn 25.10.2023