@CADEMIE
Académismes : Marc Archippe

. Utilité de la littérature
. Les pinceaux
. Les nichons, l'âge et le reste pour sourire
. Discussion de comptoir


Utilité de la littérature

    A la question de l’utilité de la littérature, comme à celle que certains se posent encore de la nécessité de l’art, je ne saurai répondre sans lieu commun. Mais bien au delà de la jubilation certaine qu’apporte un bon roman à la construction bien conçue, sur ce squelette donc, il me semble que doit se poser la chair. C’est cette matière qui donne le vivant et nous rapproche de ce qui est humain ou ne l'est pas dans nos actes de chaque jour. Le romancier propose par la plume l’édification d’un miroir de nos sociétés, miroir posé devant la fenêtre de nos certitudes et que nous oublions tant de fois d’observer. C’est ce miroir tout autant face à moi que reflétant nos sociétés post modernes que je m’attache modestement à édifier. Je sais… Ce n’est pas tâche aisée mais l’essentiel n’est-il pas d’en avoir conscience ?

Les pinceaux

    Monsieur Wu descendait rapidement les marches de bois des galeries surchargées de marchandises de la rue qui glissait vers le croisement de Chandpol Gate. Lorsqu'il levait les yeux il pouvait apercevoir les cerfs-volants de la fête qui se préparait, survoler, menés de main de maître par de si maigres enfants, le raz des terrasses et les coupoles dorées du palais des notables. Dans le vacarme qui habille la journée aux Indes, il aurait pu voir les éléphants et autres animaux, vaches, chiens efflanqués et familles de rats observer sa course affligeante mais il n'avait de raison que pour le ciel et les bouts de papiers multicolores qui s'y faisaient une pavane d'amour, un ballet aérostatique. Si ses oreille l'avaient souhaité il aurait de la même manière entendu les cornes et olifants qui président à la sortie du maharaja et peut-être de la maharani son épouse majeure, tout autant qu'il aurait certainement souffert du cri strident des mainates apprivoisés, attachés aux portes cochères d'un fin lien de soie rouge. Ainsi donc sa course démente l'emportait de rues en rues, de cours en placettes et parfois même en étages de ces maisons publiques qui s'ouvrent sur l'extérieur, abandonnant toute pudeur pour offrir leurs tapis et leur intimité au visiteur égaré. Monsieur Wu exprimait toujours de grandes contrariétés qui avaient sans l'ombre d'un doute permis la floraison de son exceptionnelle personnalité. Par contrariété il faudra entendre ici " qui s'oppose " plutôt que " qui contrarie " car Monsieur Wu était un homme atypique et ce tant par sa nature même de psychologue attitré du palais que par celle plus étonnante de peintre sur cerfs-volants. Chinois de naissance il vivait au cœur du quartier de Topkanadesh dans capitale du Rajasthan où il pratiquait ces métiers qui peuvent sembler tellement étonnants pour un européen. Il avait échoué si loin de l'empire du milieu par la volonté du hasard, d'un brin de folie adolescente et d'une jonque birmane qui s'était réfugiée dans les eaux calmées de son village natal. Emporté par hasard vers l'Europe où il fit ses études puis visiteur infatigable des autres lieux dont il avait rêvé enfant, Monsieur Wu finit par découvrir l'amour, de même que céder aux plaisirs de la chair dans les bras de Nahama. Elle suivait à Londres les insignifiantes études que les monarques veulent voir dispenser à leurs filles. De toutes les fenêtres que Monsieur Wu voulait voir s'ouvrir sur le monde, c'est de celle qui donnait sur la chambre de Nahama qu'il apprit le plus de choses. Alors que son aimée reprenait le navire qui allait l'emporter loin de tout et pour toujours, Monsieur Wu dont les bateaux avaient décidément toujours changé le cours de la vie, se cacha à nouveau dans une cale inhospitalière au milieu d'un chargement de malles et valises qui comme la maîtresse de son cœur, s'en revenait vers les Indes. Le reste n'est que carnet de voyages, de Londres à Bombay par Gibraltar, tout comme sa découverte par un marin à l'escale de Suez et sa nomination de valet de pied donnée de toute urgence par la gouvernante de la suite de Nahama qui seule empêcha qu'il ne fut balancé par-dessus bord. Il est bon de dire à cet instant du récit que si la vie d'un chinois est de petite valeur aujourd'hui, elle n'intéressait personne à cette époque et que s'il fut sauvé en ces instants dramatiques, il le fut comme cela aurait pu l'être d'un petit chiot, perdu et trempé de peur, qui entraîne un jour pitié et compassion et que l'on met dans la poche de son manteau sans trop savoir pourquoi. Monsieur Wu était pitoyable.


Les nichons, l'âge et le reste pour sourire !

    Jolie discussion il y a deux jours dans notre parlement du peuple, le café du village. Sujet d’importance majeure s’il en est...les prothèses PIP ! Voilà de quoi animer notre groupe d’amis autour d’une bonne anisette et quelques olives. Le célèbre Mister D, amateur de tout ce qui est mammaire depuis la puberté jusqu’à la maison de retraite, se faisait le défenseur virulent de ces malheureuses ayant troqué un déficit physique contre un risque sanitaire : « C’est une honte, il faut opérer tout le monde et réimplanter de nouvelles prothèses... Si possible de taille convenable ». Vous l’avez noté, Mister D est un partisan de la forte poitrine, signe évident de sa difficulté à rompre le lien lactaire avec sa maman ! M° Babalou, rentrait de la cour où il venait de se faire cracher dessus par un client mecontent (6 mois avec sursis) « Rentre chez toi, c’est toi que t’es en sursis... » lui avait dit ce justiciable à la syntaxe approximative avant que d’orner sa face joviale d’un mollard de 120 grammes. M° Babalou, donc, apporta quelques précisions d’ordre juridique qui n’intéressaient personne. La grosse Rosette, dotée d’appendices mammaires de taille éléphantesques, se proposa même comme « donneuse de seins », transplantation inconnue à ce jour. Son mari approuva cette remarque en précisant que « pour les nichons, c’est pas con mais pour le cerveau, c’est même pas question que t’y penses... ! ». Elle nous quitta, nous privant, par là-même de ses analyses toujours fines en matière sociale et politique. Chômeuse en fin de droits et membre de l’UMP locale, elle est en prise directe avec les décisions qui sont importantes pour notre société. « Va te faire taper dans la nèfle, dit-elle à son époux avec ce beau sens de l’image qui la caractérise, ...cela te changera de mes nichons... » Vous noterez la qualité des rapports mari et femme dont ce couple témoigne. Pas de non-dit ! Puis Bert le plombier nous illumina de sa propre analyse en coupant tout le monde : « Ouais, c’est comme la promo des cuvettes chinoises... ». Silence étonné de tous et difficulté à saisir le lien que proposait notre ami entre les cabinets et les soutiens-gorge ! Il rigola alors et s’expliqua : « L’année dernière nous avons eu des promos sur les WC qui était fabriqués en Chine... Pas du bon matériel mais qui valait le tiers du prix... » « Et alors... ? » fîmes-nous d’une seule voix étonnée! Et il nous éclaira : « Eh bien !...On savait que les cuvettes allaient se briser au bout d’un ou deux ans, la céramique était de mauvaise qualité, mais le client ne nous demandait rien... C’est des cuvettes, hein ? Il s’en fout de la céramique le client ! Alors, nous, on les vendait le même prix et on en posait à tout le monde. Les toubibs qui ont posé les nichons en silicone on fait pareil... Les clientes n’ont pas demandé de la qualité, elles ont demandé des seins! Elles ont payé le même prix et les chirurgiens ont fait de la marge, même s’ils avaient des doutes... » C’est à ce moment que Rosette, réapparue d’on ne sait où, flanquant un énorme coup de parapluie sur la tête de Bert « Salopard ... ! A nous aussi tu nous en as fourgué des WC chinois...l’année dernière...» Fin de l’apéro...


Discussion de comptoir

    Hier matin, il devait être onze heure trente, nous étions attablé sur la terrasse du « Cercle ». Les platanes heureusement dépouillés de leurs feuilles laissaient largement filtrer un soleil étonnant pour décembre... 24° devant la vitrine du bar, il y a des gens à Maubeuge ou à Ozoir la Ferrière qui doivent en rêver. Mr Beaucomme notre vieil instituteur, la grosse Rosette et son mari Dan partageait mon apéritif anisé. Fitou, le chien de Josette échappé de sa maison, nous avait rejoint et tentait une hasardeuse copulation avec la roue du fauteuil d’handicapé de Captain Dan. Le printemps précoce, peut-être... ? C’est sur ce problème du climat qu’avait débuté notre discussion. Une discussion sereine calmement accompagnée du bruit de presse hydraulique de Rosette mastiquant une pelle de cacahuètes à chaque bouchée. Mr Beaucomme nous expliquait ce que la mère de Napoléon résumait dans cette courte phrase « Après moi, le déluge... », et que le linguiste nord américain Noam Chomsky (cliquez ici) à théorisé dans le chapitre 4 de son ouvrage sur la « Manipulation des Masses ». Je cite de mémoire « ...Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu... » Mr Beaucomme (un instant interrompu par Captain Dan irrité par un renvoi de son épouse ayant fait atterrir cent grammes de reliquats baveux sur son pantalon avant qu’il ne jette rageusement l’assiette de cacahuète à l’autre bout de la place), Mr Beaucomme, donc, évoquait les problèmes liés à l’écologie et à la survenance différée des solutions à apporter pour la sécurité de nos enfants. Chacun d’entre nous était conscient que, par exemple, le risque des centrales nucléaires était toujours à l’ordre du jour.