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Académismes : Séverine Capeille

. Mais... pourquoi la culotte ?
. Poulette vs dinde


    Mais… pourquoi la culotte ?

    - Une culotte, pour le prix…

    Rien de drôle à constater que le prix des culottes est comparativement moins cher que celui de n’importe quel autre article à se mettre sur le fessier. Ainsi, dans une période de crise comme la nôtre, le string et le tanga ne font résolument pas le poids face à la culotte en coton. Loin de toute considération esthétique, c’est d’abord un argument économique qui vient étayer ce choix. Et surtout un constat. Si nous, femmes d’aujourd’hui, voudrions bien avoir les moyens de nous payer des « dessous chics », on se retrouve les bras ballants devant les prix. « En culotte », comme on dit.

    Mais un proverbe québécois nous rappelle qu’au-delà du string et du tanga, on peut tomber encore plus bas, car en effet : « Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il n’a pas de culotte pour passer l’hiver?». C’est clair : la culotte est notre dernier rempart avant la misère. Alors quand on nous parle de ces inesthétiques élastiques sur les fesses, vous imaginez bien que, relativement à l’état de nos budgets serrés comme des gaines de mémés, on s’en moque justement comme de notre première culotte.

    - Une culotte, pour la nostalgie…

    D’ailleurs, bébés, nous étions en couche-culotte, et jamais en couche-string ! Plus tard, nous avons eu les culottes avec les jours de la semaine qui étaient inscrits, les culottes qu’il fallait compter en fonction du nombre de jours en colonie, les culottes aux élastiques trop élargis… Des culottes complètement usées, mais que l’on aimait bien, et qu’on voulait garder. C’est avec une certaine émotion qu’on repense à toutes ces culottes de nos jeunes années. Celles de l’adolescence aussi, puisque la mode du string était encore réservée aux adultes, aux femmes fraichement « libérées ».

    Oui, j’avoue une certaine nostalgie pour cette époque des années soixante-dix et quatre-vingts, quand le problème de la marque de la culotte visible sous les pantalons des filles n’avait pas plus d’importance que l’identité nationale dans un pays républicain. Quand tout était léger, allait de coton et de soi(e), épousant les formes de chacun.

    - Une culotte, pour la vie…

   Ah… Nous avons grandi. Et bien sûr nous faisons attention, nous nous fondons dans la masse, bien droites, avec une ficelle entre les fesses qui nous maintient. Rien ne nous écarte du droit chemin. Tout le monde sait que la séduction ne tient parfois qu’à un fil… Même les plus rebelles finissent par rentrer dans les rangs à la première idylle. Ainsi, nous sommes à l’affût des bonnes affaires sur les strings et les tangas. Nous trouvons des combines pour ajuster les hauts avec les bas. C’est la mode, comme la vie, qui veut ça… Nous essayons de tenir la longueur, parfois dépassées par l’inventivité des créateurs.

    Car il y a désormais également le shorty, le shorty string, le body-string, les mini-strings ou micro-string, le string papillon et même, et c’est le pompon (enfin, un tout petit pompon), le C-string (une coque rigide cachant le pubis et passant entre les fesses, tenant sans ficelle). C’est compliqué. On ne sait plus à quel string se vouer. Au moins, avec la culotte, tout le monde perçoit clairement ce dont on veut parler. Elle se distingue non seulement par sa simplicité mais aussi par une certaine forme d’intemporalité.

    Bien qu’elle soit considérée par certains hommes comme un « tue l’amour », force est de constater qu’on y revient toutes un jour. Peu importent nos efforts désespérés pour donner le change pendant une vie entière, nous finissons toutes en culottes de grand-mères.



Poulette vs dinde

    Voici venu le temps d’un nouveau genre littéraire, la "chick lit", comprenez «chicken litterature», sorte de poule aux œufs d’or dans l’édition française.

    La littérature de poulettes

    Sex and the City, Le Journal de Bridget Jones, Le Diable s’habille en Prada, Blonde attitude, Sainte Futile… En tout, on peut dénombrer une centaine de titres en rayon. Un carton qui nécessite de prendre la poulette à sa définition :

    1. [zoologie] oiseau de basse-cour de la famille des gallinacés, femelle adulte du coq, aux ailes courtes et à petite crête - 2. [cuisine] poulet femelle utilisé dans l’alimentation - 3. [zoologie] femelle (d’un gallinacé) - 4. jeune fille ou femme que l’on désigne affectueusement (familier) - 5. femme entretenue ou maîtresse (d’un homme) (familier ; péjoratif et vieilli) - 6. femme prostituée (péjoratif et vieilli)

   D’abord, la « chick lit » est sympa. Elle « désigne affectueusement » les femmes de notre monde contemporain. On dit « chick lit » et c’est comme si on vous donnait un petit coup de coude complice, une gentille tape dans le dos, un clin d’œil malin… C’est la promesse d’un bon moment, où vous vous reconnaîtrez forcément, femme parmi les femmes; où les hommes pourront découvrir toute la complexité du désir féminin. Les plus redoutables féministes sont d’ailleurs comblées : c’est le sacre de la femme libérée. Pourtant, ce sont les définitions 5 et 6 qui retiennent notre attention, faisant toutes deux référence à la vénalité de la poulette. C’est peut-être au regard de certains progrès scientifiques que nous pouvons trouver des explications… Car depuis que la poulette a des dents (voir : Des chercheurs font pousser des dents aux poules à partir de cellules souches), elle a tendance à rayer les planchers. La poulette n’est pas Rmiste. Elle est journaliste, galeriste, avocate, attachée de presse (Carrie, Charlotte, Miranda et Samantha dans Sex and the city), directrice d’une ligne de vêtements, éditrice ou productrice de cinéma (Victory, Nico et Wendy dans Lipstick Jungle). Elle est une accro du shopping ou une milliardaire victime du mépris de la jet-set et qui angoisse dans son immeuble « le plus chic de Park avenue » (Chic et choc à New York). Elle est prête à tout, la poulette, pour ne pas se retrouver sur le carreau. Trahisons et faux semblants sont les maîtres mots. Luxure, envie, orgueil… on peut relever toute la gamme des pêchés capitaux. Bienvenue dans un monde où jalousie, envie et trahison nouent et dénouent amours et amitiés sous l’oeil de lynx et la langue de p... de la mystérieuse Gossip Girl qui voit tout, entend tout et relate tout sur internet ! Non seulement la poulette est une pie attirée par tout ce qui brille (« Elle consulta sa montre - une élégante Baume & Mercier en acier inoxydable, ornée d’une rangée de diamants minuscules - avant de prendre une profonde inspiration. » Lipstick Jungle), mais en plus elle n’a pas plus de cervelle qu’un moineau.

    Allons donc au bout de la démarche (du gallinacé) et posons une question : une littérature de dindes ne serait-elle pas plus représentative de la réalité ?

    La littérature de dindes

    1. [cuisine] volaille à chair blanche, fibreuse et ferme très appréciée - 2. [zoologie] femelle du dindon - 3. femme ou jeune fille niaises (familier ; péjoratif)

    La dinde, c’est la poule qui n’a pas de pot. Elle n’a aucune relation haut placée, aucun oncle susceptible de lui dégotter « un travail absolument VIP » (« People or not people », Lauren Weisberger). Pourtant adepte de « 130 recettes minceur en 5 à 10 minutes chrono » (Thérèse Ellul-Ferrari), elle reste lourde, incapable de battre des ailes pour gravir les échelons de l’ascension sociale. Maladroite et naïve, elle fait facilement confiance, travaillant dur dans l’espoir d’un renouvellement de CPE, CNE, CDD…, cumulant les heures sup’ impayées. Résultat : elle se fait plumer. La dinde vit un perpétuel déficit financier. D’où cette nouvelle expression française : « Quand les dindes auront de l’argent », locution adverbiale remplaçant la désuète « Quand les poules auront des dents » (puisque c’est fait), et qui signifie également « jamais ». D’un point de vue sentimental, la dinde est une éternelle amoureuse qui a le don de se faire du mal. Elle ne va pas, comme la poulette, bondir sur sa proie et organiser des stratagèmes pour clouer sur place ses éventuelles rivales. Non. La dinde va faire preuve d’une patience exemplaire, mettre en marche une procédure coutumière : 1/ ignorer le bel inconnu afin qu’il s’aperçoive qu’elle s’intéresse à lui ; 2/ consulter horoscopes et services téléphoniques surtaxés pour évaluer les chances de compatibilité ; 3/ miser sur l’alcool pour se donner du courage en soirée ; 4/ prier. Car la dinde est farcie d’illusions, et bien qu’elle ne soit pas une poule mouillée, elle fait bien trop souvent l’autruche. Ses moyens ne lui permettant évidemment pas de bénéficier des instituts de beauté, c’est au hammam du quartier qu’elle va se faire épiler. Tandis que la poulette vit au rythme de ses périodes d’ovulations, la dinde multiplie les calculs élaborés : henné pour avoir les racines carrées, évaluation des risques concernant les temps de pauses aléatoires… Au travail, elle fait de savants théorèmes pour poser ses RTT, cherchant vainement à avoir une longueur d’avance sur ses collègues qui auront de toute façon priorité. Elle devient, jour après jour, la reine des études de marchés : marché aux puces, marché noir… Parfois, il lui arrive d’avoir le cafard. Mais la dinde n’est pas du genre à se laisser abattre. Elle a une capacité incroyable à reprendre du poil de la bête, à remonter du fond des casseroles les plus obscures. Se raffermissant avec l’âge, elle se rappelle qu’elle a du prix et décide de cultiver son côté sauvage.