@CADEMIE
Académismes : Jacques Guyonnet

. Comment se faire publier...
. Les charmes inattendus de l'auto-édition
 

Comment se faire publier...

    Ayant publié 56 livres à ce jour (sans compter les rééditions enrichies comme celle de La Saga des Jeux Vidéo en 2004 ou du Bill Gates en 1998), j'ai une grande réalité sur le sujet et souhaiterais apporter mes conseils en la matière. Ceci constitue mon premier billet sur la question, mais j'en publierais d'autres si la demande se fait sentir.

    Les nouveaux auteurs ont souvent une incroyable fierté vis-à-vis de ce qu'ils ont écrit. Je sais ce qu'il en est : je suis passé par là. En d'autres termes, il est facile d'être auto-persuadé que l'on a écrit une oeuvre irréprochable quitte à entonner ultérieurement le fameux refrain : "je suis un génie méconnuuuuuu.... Sniff !"

    Bref, lorsque je dis à un auteur, "c'est pas mal, mais il faudrait que tu réécrives ceci, fasse un redécoupage de cela, etc," je me fais souvent jeter. Ce qui est terrible, c'est que le plus souvent, la personne a fait lire son manuscrit à deux ou trois potes qui ont "trouvé cela remarquable". C'est sans doute vrai. Mais pas forcément suffisant pour faire un produit que l'on puisse vendre en librairie et justifiant de mettre en branle l'énorme machine de guerre qu'est la vente d'un livre avec des commerciaux qui sillonnent les librairies de France pour tenter de faire placer votre livre sur les fameuses "piles" que perçoit le quidam qui entre dans l'échoppe... La réalité du métier, je l'ai appris à la dure, comme journaliste et comme écrivain. S'il fallait prendre un exemple simple, ce serait celui-ci. Il est peu probable que vous puissiez faire un film à partir de séquences que vous auriez capturées telles quelles sur votre caméscope DV. Même si vous aviez un scénario extraordinaire, il faudrait consacrer des heures au montage. Couper telle scène, tailler dans telle autre, inclure une musique qui augmente l'intensité dramatique pour telle autre, enrichir les bruitages, et probablement tourner à nouveau certaines scènes en modifiant l'angle de vue, etc. En clair : pratiquer un montage. Dans le cadre d'un livre ou d'un écrit, la situation est la même.

    La première chose, c'est d'avoir un sujet qui tient la route.

    A partir de la fin 1993, j'ai eu droit à une page mensuelle sur le "Cyber" (le terme alors à la mode pour désigner ce qui relevait de la technologie) dans le magazine branché Max. Une page apparemment perdue parmi une centaine d'autres. Un jour, le rédacteur en chef me convie et me met les points sur les "i". Ce que je lui ai remis est plat, sans envergure... La chose est simple : j'ai un jour, pas plus, pour lui sortir un papier "énorme", quelque chose qui commence déjà à le bluffer lui ! Au pied du mur, j'ai décroché dans la journée un reportage qui décoiffait. Et ainsi pu collaborer au magazine durant 5 ans. A partir de là, j'avais compris la mission : décrocher, mois après mois, des "killer" infos, quelque chose qui fait que l'on ait envie de lire cette page et d'être soufflé. Je crois que nous avons été les premiers en France à parler de thèmes tels que le "spam" et ses dangers (dès l'automne 1994 !), ou des recherches visant à identifier quelqu'un par son odeur !

    La deuxième chose, c'est de travailler la mise en forme, le montage...


    A la même époque, j'ai également été fort "maltraité" par un éditeur, Vaugirard, lors de la rédaction d'un roman, "Les Banquiers du Temps", finalement publié par Le Choucas. C'est bien simple : la première copie est revenue couverte de commentaires en rouge. Non pas que l'histoire ne tenait pas la route. Mais il fallait reformuler, changer le découpage, accélérer ici, détailler là.... J'ai dû réécrire intégralement l'un des chapitres 4 fois de suite ! Si certains sont intéressés, je peux mettre en ligne certaines de ces versions, que j'ai conservées. Cet exercice a été fructueux. Si un auteur a la chance de se voir proposer cela par un éditeur, en clair "le livre a un potentiel mais il faut le réécrire", qu'il saute dessus. C'est là que cela se passe. Un éditeur a un regard. Il a pour mission de faire que le livre se vende, séduise un public... Il existe des formules éprouvées en la matière, la règle essentielle étant qu'il faut toujours maintenir l'attention émoustillée, que ce soit par l'intrigue ou par la qualité du texte. Voilà bientôt dix ans que je publie des livres chaque année et je me suis astreint à cette règle. Ecrire, réécrire, réécrire, bonifier... Il m'est arrivé de travailler durant une bonne demi-heure ou même une bonne heure sur deux ou trois phrases.

    

Les charmes inattendus de l'auto-édition

    Depuis quatre semaines, j'ai mis une dizaine de livres en vente sur l'Amazon Kindle. Que dire… Pour un auteur, c'est un drôle de sentiment. Soudainement, des tas d'écrits qui dormaient, qui n'étaient plus réédités sont proposés au public. Pour le moment, les ventes ne sont pas mirobolantes, mais elles existent. Et avant tout, une sensation d'être entré dans une nouvelle ère se dessine. Et l'impression que certaines choses pénibles que l'on a pu vivre ne se répéteront plus. (..) Je ne pense pas que l'auto-édition puisse remplacer l'édition traditionnelle. Très peu d'auteurs sont en mesure d'assumer eux-même aussi bien l'activité d'écriture que celle de promotion. Par conséquent, passer par un éditeur - y compris pour les livres numériques - demeurera longtemps un passage obligé. Depuis mes débuts d'auteur, j'ai publié des dizaines et dizaines de livres et seuls un petit nombre sont devenus ce que l'on appelle des best-sellers. Parmi eux figure Bill Gates et la saga de Microsoft (1995) qui s'est vendu à 200 000 exemplaires environ (..) Le livre sur Bill Gates n'était plus en vente depuis 2007. Aucun éditeur papier ne voulait plus le publier. Régulièrement, des gens me demandaient comment le trouver. Je l'ai proposé à plusieurs éditeurs "papier" qui ont tous estimé que cela ne serait pas forcément rentable de le réimprimer - et il se peut qu'ils aient raison. Et bien, il est maintenant sur le Kindle à 4 euros environ. À présent, si un livre se vend ou ne se vend pas, l'auteur ne peut s'en prendre qu'à lui-même. En tout cas, avoir un livre sur une librairie d'ebooks tel que Kindle nous permet aussi d'être tranquille : les livres en rupture de stock appartiennent au passé. Ils seront toujours disponibles, aussi longtemps qu'Amazon existera… Quid des ventes me direz-vous ? Amazon nous fournit des outils d'analyse et permet de les suivre semaine après semaine. Et de façon étonnante, mes livres en auto-édition se vendent assez correctement. Rien de miraculeux, mais il faut laisser le temps au temps; le Kindle vient tout juste d'arriver en France et il faut qu'un public se développe. En tout cas, il est très enthousiasmant pour un auteur de pouvoir proposer directement ses œuvres à ses lecteurs. Une nouvelle ère s'ouvre pour les écrivains...